Huub Broers et Bruno Beckers mouchés par Albert Stassen
Telle est la polémique lancée par Bruno Beckers dans La Meuse-Verviers du 23 mai 2014. Sans aborder l’absence de preuve manifeste dans le cas d’espèce (il s’agissait d’un tweet du bourgmestre de Fourons accusant le Commissaire d’arrondissement de Verviers de collage d’affiche dans les Fourons et repris par La Meuse-Verviers), il y a lieu d’examiner le cas théorique : un commissaire d’arrondissement doit il être « neutre » et peut-il coller des affiches électorales ?
Parmi les droits d’un commissaire d’arrondissement, ( article 3 de son statut assimilé en cela à celui de tous les fonctionnaires wallons) se trouve la liberté d’expression à l’égard des faits dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur fonction. Il leur est seulement interdit « de révéler des faits qui ont trait à la sécurité nationale, à la protection de l’ordre public, aux intérêts financiers de l’autorité, à la prévention et à la répression des faits délictueux, au secret médical, aux droits et libertés du citoyen, et notamment au droit au respect de la vie privée; cette interdiction vaut également pour les faits qui ont trait à la préparation de toutes les décisions aussi longtemps qu’une décision finale n’a pas été prise, ainsi que pour les faits qui, lorsqu’ils sont divulgués, peuvent porter préjudice à la position de concurrence de l’organisme dans lequel l’agent est occupé. »
En assimilant de la sorte le statut des commissaires d’arrondissement à celui des fonctionnaires wallons, le Gouvernement wallon s’est en fait rangé à la doctrine actuelle qui s’écarte du devoir de « neutralité » qu’on exigeait jadis de tous les fonctionnaires et plus particulièrement des commissaires de gouvernement que sont les gouverneurs et commissaires d’arrondissement.
On estime généralement que l’obligation de « réserve » inhérente aux fonctions de commissaire d’arrondissement (qui ne figure dans aucun texte) implique la nécessité d’exprimer des opinions de façon prudente et mesurée, de manière à ce que l’extériorisation de celles-ci, notamment politiques, soit conforme aux intérêts du service public et à la dignité des fonctions occupées. C’est évidemment une question d’appréciation et qui ne figure pas dans les droits et devoirs des commissaires d’arrondissement.
En l’occurrence, il y a certes lieu de souscrire à cette formulation impeccable des « balises » inhérentes aux fonctions de commissaire d’arrondissement, de gouverneur ou toute autre fonction analogue mais il faut que l’expression d’une opinion puisse alors être associée à la fonction. Un gouverneur ou un commissaire peut très bien être amené à exprimer des opinions alors que ces fonctions n’étaient pas concernées et qu’il ne s’exprimait pas en tant que gouverneur ou commissaire d’arrondissement mais à un autre titre bien distinct de sa fonction première. Toutefois, même en cas d’amalgame des deux fonctions, les propos tenus ne souffrent pas en principe de critique par rapport aux balises requises dans l’expression publique d’un gouverneur ou d’un commissaire d’arrondissement (voir texte ci-dessus). Un commissaire d’arrondissement en fonction en province de Liège peut très bien, en dehors de sa fonction, être un militant de la cause francophone Fouronnaise, écrire des livres à ce sujet, coller des affiches dans les Fourons, participer à la fête annuelle de l’action fouronnaise car c’est en dehors de sa circonscription (la province de Liège) où il doit veiller à ce que l’extériorisation de ses opinions soit conforme aux intérêts du service public. Le fait qu’il ait à gérer fonctionnellement le vote à Aubel des électeurs fouronnais ne place pas les Fourons dans sa circonscription et son seul contact avec Fourons (via le commissaire d’arrondissement adjoint de Tongres) est d’obtenir de la commune de Fourons la liste bilingue des électeurs pour les bureaux de vote à Aubel conformément au code électoral et à un arrêt du Conseil d’Etat de 1986. Le bourgmestre de Fourons s’y refuse et a fourni une liste unilingue flamande. Ils ont eu un échange de mails assez vif sur le sujet et c’est ce qui a sans doute motivé le tweet. Cette affaire des listes bilingues est plaidée par un membre de l’Action Fouronnaise devant la Cour d’Appel d’Anvers.
Un commissaire d’arrondissement wallon qui « exprimerait ses opinions politiques » en allant coller des affiches électorales hors de sa circonscription en dehors de ses heures de service ne contrevient en rien au prescrit relatif aux droits et devoirs de sa fonction. Théoriquement, s’il le faisait dans sa circonscription, et si cela se passe en dehors de ses heures de service, il ne pourrait être critiqué non plus mais là il sera opportunément plus prudent pour éviter de prêter le flanc à la critique. Toutefois les matières où il ne peut « exprimer des opinions » sont limitativement citées dans le statut de la fonction publique wallonne et le collage d’affiches n’y figure évidemment pas.
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