"La Ville de Renaix a décidé d’aller en appel du jugement du tribunal de première instance d’Oudenaarde, rendu en juin 2025, qui l’oblige à se conformer à la législation linguistique", peut-on lire dans le numéro d’automne de "Nouvelles de Flandre", organe de l’Association pour la Promotion de la Francophonie en Flandre (APFF).
Au président de l’APFF, Edgar Fonck, de poursuivre: "D’après la loi, Renaix, commune à régime linguistique spécial de Flandre orientale, doit utiliser le néerlandais et le français dans ses documents officiels, ses formulaires et sa signalisation publique. Mais pour le collège communal, cette situation n’a plus de justification. 'Ces règles datent d’un autre siècle', plaide la Ville, qui estime que le bilinguisme imposé ne correspond plus à la réalité et qu’il constitue une charge administrative et financière disproportionnée. Pour appuyer sa demande, la Ville met en avant ses statistiques: en 2022, seuls seize documents administratifs ont été délivrés en français sur plus de 6.600.
Mais cette lecture partielle des chiffres oublie un autre indicateur, plus solide encore: selon les données officielles de l’agence flamande Kind en Gezin, plus de 20% des mères de Renaix, en moyenne, élèvent leurs enfants en français.
Ces données, mises à jour chaque année, mesurent la langue d’éducation des jeunes enfants dans toutes les communes de Flandre. 'Ce n’est donc pas une estimation ou un souvenir du passé, mais une réalité actuelle et mesurée par l’administration flamande elle-même', souligne le collectif Ronse Bilingue-Renaix Tweetalig. Le bilinguisme n’est pas un vestige: il reste le reflet d’une diversité linguistique bien vivante. 'Supprimer les facilités, c’est nier cette réalité quotidienne'. Le régime des facilités est un pilier du compromis communautaire belge.
Lors de la fixation définitive de la frontière linguistique en 1963, un accord fragile a été conclu. Si la Flandre remet en cause les facilités, il faut aussi réévaluer tout le compromis, y compris les avantages concédés à la Flandre tels que la surreprésentation flamande à Bruxelles et, plus tard, la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV).
La cour d’appel de Gand examinera l’affaire le 28 octobre 2025. Quelle que soit sa décision, elle fera jurisprudence. Donner raison à la Ville, c’est ouvrir la porte à une redéfinition du modèle linguistique belge.
Lors de la fête de la Communauté flamande, le 11 juillet dernier, Matthias Diependaele, Ministre-président de la Région flamande et membre de la N-VA, a franchi une ligne rouge. En affirmant que 'les facilités sont une mesure temporaire de 1963’ et en annonçant vouloir les supprimer, il ne se contente pas de relancer le débat: il met en péril l’équilibre fragile qui garantit la coexistence linguistique en Belgique. C’est inacceptable! Aucune loi, aucun texte de 1963 ne prévoit la suppression des facilités. Matthias Diependaele joue avec l’Histoire, comme si les droits acquis pouvaient être effacés d’un trait de plume!
Face au risque d’assimilation forcée de la minorité francophone en Flandre, la Coalition des Associations Francophones de Flandre et de l’Association de Promotion des Droits Humains et des Minorités (CAFF-ADHUM)* a fait parvenir un rapport à l’ONU dans le cadre du 4ème Examen périodique universel (EPU) de la Belgique, prévu à Genève le 6 mai 2026. Dans ce document, que nous détaillerons dans nos prochaines éditions, la CAFF-ADHUM tire la sonnette d’alarme: plus de 300.000 francophones vivent aujourd’hui en Flandre, soit près de 5% de la population, sans bénéficier d’aucune reconnaissance officielle.
Malgré la signature en 2001 de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, la Belgique ne l’a jamais ratifiée, laissant cette minorité sans protection juridique.
Le rapport dénonce aussi plusieurs autres manquements majeurs: - l’absence de ratification du Protocole n°12 à la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit toute discrimination; - l’absence d’organisme compétent pour traiter les discriminations linguistiques; - l’incapacité de l’Institut fédéral pour la Protection et la Promotion des Droits Humains (IFDH) à recevoir des plaintes individuelles; - le non-respect du régime des facilités linguistiques; et - la nécessité d’une meilleure participation de la société civile, avec traduction simultanée, lors du suivi de l’EPU".
(*) La CAFF-ADHUM est une coalition de quatre associations représentatives des francophones de Flandre (l’Action Fouronnaise, l’Association Culturelle Francophone de Zaventem (ACFZ), l’Association pour la Promotion de la Francophonie en Flandre (APFF) et Ronse bilingue-Renaix tweetalig), ainsi que de l’Association de Promotion des Droits Humains et des Minorités (ADHUM).
Couverture
