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Décès de Jean Brasseur, journaliste humain et attentif

Le journal L'AVENIR - LE JOUR VERVIERS de ce jeudi 15 décembre nous apprend le décès de Jean BRASSEUR.

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En 1985, il avait publié un entretien avec le Père Jef Colin, curé de Rémersdael:

Le journal d’un curé de campagne fouronnais déçu 

L’abbé Collyn (70 ans) est Hollandais, pasteur à Rémersdael, Montfortain et mal aimé… des « siens »…

Dans sa cure de Rémersdael, l’abbé Joseph Collyn médite. Pasteur au village fouronnais depuis octobre 1976, originaire de Gulpen, le village tout proche du Limbourg hollandais, il a conservé sa nationalité d’origine, avec la volonté, comme prêtre catholique et Montfortain de la province des Pays-Bas, de se mettre à la disposition des paroissiens de Belgique. Et ce n’est pas de tout repos…

L’abbé Collyn est septuagénaire depuis le 28 décembre dernier. Avant de venir s’installer aux marches d’Aubel, il s’est donné dans un apostolat sans frontières, missionnaire au Danemark, en France, en Allemagne et en Hollande, à la disposition de tous sans distinction de race ou de langue.

- Voici une dizaine d’années, nous confie-t-il dans un français hésitant, car il cherche le mot juste, j’ai été appelé dans le sud de la France, en Provence. Il y avait beaucoup à faire. Avec l’accord du provincial de Toulon, j’étais disposé à œuvrer dans les Hautes-Alpes et je rentrais en Hollande pour prendre mes effets. Mon frère, qui était curé dans une paroisse de campagne, était malade. Je l’ai remplacé. Puis, le temps ayant passé, j’ai cherché à me rendre utile tout de suite. L’évêque de Hasselt, que j’ai rencontré, m’a proposé Rémersdael où le curé était indisponible pour cause de maladie. J’ai secondé le brave abbé Steegen qui, originaire de Bilzen, avait passé trente années à Verdun, en France.

« Je ne connaissais rien du problème politique… » Néerlandophone, l’abbé Joseph Collyn débarque à Rémersdael sans rien connaître aux problèmes politiques de l’enclave francophone dans le Limbourg hollandais. Bien que né à Gulpen, il a tellement voyagé qu’il a perdu de vue le malaise communautaire belge. Il s’y est retrouvé… sans vraiment le vouloir.

- Je ne pouvais appréhender les répercussions que pourrait avoir la célébration d’une messe en français à Rémersdael. De toute façon, je devais m’adapter à la région, car chacun a droit au respect de son opinion.

Le curé comprend très vite que son village est francophone de cœur et de raison.

- Ils sont liés à la Région wallonne. Ce sont des Liégeois. On étudie à Liège, on va au marché d’Aubel, à Visé ou Verviers pour les emplettes, la fiancée est francophone. Géographiquement, on est à part du Limbourg.

Mais, dans le clergé fouronnais, la réaction est vive. De l’opposition même…

- J’ai reçu de nombreux coups de téléphone de mes confrères. Pour eux, je brisais la tradition flamande, celle aussi de l’Église. Quelle stupidité ! Quelle absence de chaleur chrétienne ! Quand je parlais français, on me traitait de wallingant. Je ne me heurte jamais avec quelqu’un qui parle une autre langue. Mais on a besoin d’un véhicule de langage pour avoir des contacts et je suis un simple curé de campagne.

Huit ans de calvaire pour l’abbé de Gulpen, supporté par les siens, mais honni par les extrémistes de tous bords qui lui en veulent d’être lui-même, un homme tolérant. Lors du carnage du 9 mars 1980, voyant déferler les hordes du V.M.O., il quitte le presbytère et s’en va, en croisade solitaire, tenter de mettre un terme à l’hécatombe.

À l’officier de gendarmerie qui commande les troupes immobiles, il fait la leçon… et se retrouve, pour injures, devant le juge d’instruction de Tongres. - J’étais révolté, honteux du comportement des forces de l’ordre. Je devais réagir.

Mais en ce début d’année 1985, le septuagénaire hollandais de Rémersdael a mal dans ce qu’il a de plus précieux, sa foi et sa volonté d’être le pasteur de tous. La presse flamande le harcèle, procédant par amalgame, lui reprochant d’être à la solde du bourgmestre « qui veut franciser le clergé fouronnais », un curé indigne en quelque sorte qui, selon nos confrères du nord du pays, serait tout sauf catholique, « au propre comme au figuré ». Propos diffamatoires qui peinent profondément l’honnête homme des Fourons. Tout comme, parce qu’un malheur ne vient jamais seul, la prise de position du Provincial des Montfortins de Kessel-Lo, largement étalée dans la presse anversoise. L’abbé hollandais, pour l’Ordre, est isolé, dépendant uniquement de l’autorité des Pays-Bas, un pasteur qui ne respecte pas ses engagements puisqu’il parle le français avec les francophones hors des chemins privés ce qui, on en convient dans les provinces unies flamandes, est un péché mortel.

- Dans la tête des gens, on n’est pas catholique si l’on parle français. C’est ce que pense la majorité des Flamands, conditionnés par une presse qui ne respecte pas les règles du jeu. Une société sans Christ même si, car il y en a, certains catholiques flamands savent que cette conception est sacrilège. Cela m’obsède. Curé de campagne, je le suis. Avec deux cents paroissiens qui fréquentent l’église et je m’efforce de parler la langue qu’ils veulent. Je suis un idéaliste, pas un politicien. Je voudrais percer le mystère de la politique, mais, pour moi, il est plus impénétrable que celui de la foi.

La lutte du curé Collyn continue. Voici quelques mois, il pouvait compter sur la sympathie agissante du nouveau doyen de Fouron-Saint-Martin, l’abbé Straetemans. Il y avait beaucoup de tolérance en ce projet, le libre-choix des fidèles pour la langue des cérémonies, la communion solennelle permise aux francophones. L’abbé Straetemans a quitté Fouron-Saint-Martin, complètement usé par « ses » paroissiens flamands mécontents de l’ouverture promise. Le doyen ne pouvait plus circuler en voiture au risque de subir des crevaisons répétées. On a chaulé le presbytère. Il a été menacé. Il est parti.

À Rémersdael, c’est différent. Le bon curé Collyn résiste. Mais il souffre. En rompant, pour nous, la loi du silence.

Propos recueillis par Jean Brasseur (Le Courrier, 8/2/1985)

Autre souvenir de Jean Brasseur, un article du 1er septembre 2010 concernant le train à vapeur.

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